samedi 26 janvier 2008

Une journée à Berlin

Willkommen, Bienvenue, Welcome.

Une succession de cuisses nues et grassouillettes vient chanter le bonheur et la liberté, un peu faux, un peu trop fort, mais peu importe puisque tous les éclairages se rivent sur ces visages maquillés et que le piano plaque ses accords rythmés. Les dissonances pointent à peine leur nez, mais le spectateur sait déjà ce qui l’attend, quelle douleur grise va inonder Berlin et le Kit Kat Club.
Car elle est bien là, son murmure a imbibé chaque mur de la ville, chaque sculpture, et ce monument dédié aux déportés quelque part, près de l’ancien mur.



Ses blocs se succèdent, de plus en plus grands, de plus en plus gris, la pluie vient cogner la pierre, s’écoule en milliers de larmes. La mort s’y promène comme une vieille amie, répand l’odeur de ces montagnes de chaussures et de vêtements dont l’eau efface les couleurs. Le chemin se fait de plus en plus étroit, s’enfonce dans cette forêt pétrie de peur et de cris. L’angoisse se resserre sur l’estomac, tandis que le spectateur avance, à présent trop petit pour échapper à ces étendues mortuaires et à leurs échos. Il grimpe sur une marche, aperçoit l’édifice de plus haut, mais rien n’y fait, toujours une voix d’enfant pousse un cri déchirant, qui supplie, demande pourquoi ...

Vers où fuir ?
Contre quel mur s’adosser pour ne plus entendre résonner la douleur ?

Le mur, le grand, le terrible mur, lui, s’est écroulé, pourtant des voix se propagent encore indistinctement alentour, des miettes s’échappent, et les affiches s’effritent. Derrière le vernis craquelé, toujours du gris, toujours cette pluie qui creuse le béton, caresse les visages grimaçants. Le fantôme est bien là, souriant ou perplexe dans son uniforme gris ou beige, de cette couleur indéfinissable de banalité.



Des visages, des couleurs, des phrases tape-à-l’œil tapissent les quelques restes du mur. Plus de ce gris plat et monocorde, on veut du rose, des paillettes, du bonheur vif, des cuisses. Pas des grassouillettes, des fines, maigres comme ces starlettes d’Hollywood, on veut du burger, pas ces bouillies de légumes qu’on nous sert dans les cantines.



Mais le vent de l’Est souffle encore derrière les buildings, se vend aux magasins de souvenirs comme un gadget démodé. Des musées ou autres lieux attrappe-touristes exposent les vêtements, meubles et photographies de cette époque révolue, de ses batiments gris mais de ses tapisseries oranges, de sa prison et de ses chiffres, tout n’était pas rose mais l’Amérique n’est toujours pas venue s’installer à Berlin.



Willkommen, Bienvenue, Welcome. Le cabaret de Berlin retrouve ses dissonances et sa force, la mélodie se reconstruit au fil de monuments, de musées, de culture, de ses rues parsemées de gens et d'éclairages, ses feuilles d’automne chantonnent quelques couleurs.
Pas de rose mais surtout pas de gris, juste un peu de lumière.



Merci à Orianne pour la plupart de ces photos ...